samedi 6 juin 2009

Droit de réponse

Le collectif Maths Rennes 1 répond à la lettre de Guy Cathelineau envoyée à tous les enseignants de Beaulieu le mardi 2 juin 2009.

Chers collègues,

Commes nous, vous avez dû prendre connaissance du courrier que le président de l’université de Rennes 1 a envoyé le 2 juin à l’ensemble des enseignants-chercheurs du campus de Beaulieu pour les informer que des enseignants de mathématiques se refusaient à rendre les notes des examens dont ils avaient la charge. Nous comprenons bien que tout serait plus simple si nous le faisions. Et pourtant. . .

Voilà six mois que nous nous sommes mobilisés contre deux réformes décidées par le gouvernement :
– la réforme du statut des enseignants-chercheurs ;
– la réforme de la formation et du recrutement des enseignants des premier et second degrés.
Depuis le 1er décembre 2008, les assemblées générales de l’UFR de mathématiques, rapidement rattrapées par toute l’Université française, se sont succédé pour dénoncer ces deux réformes en ce qu’elles portent atteinte au principe même du service public d’éducation et de recherche. Cela a abouti au mouvement de grève sans précédent qu’a connu l’Université depuis début février.

Bien sûr, les annulations de séminaires, les reports de cours, la rétention de notes et le report des jurys ont perturbé le fonctionnement habituel de l’université. Plus profondément, les cours hors-les-murs ont connu un vif succès médiatique, à Rennes comme ailleurs, en réinstallant l’Université au coeur de la Cité. Une réflexion nourrie a donné lieu à des prises de position relayées par la presse nationale. Nous voyons dans ce mouvement une formidable prise de conscience de la part des universitaires français qu’ensemble, ils sont l’Université et ce, indépendamment de toutes les réformes de gouvernance que nos diverses universités pourraient avoir à subir.

Comme il est naturel de la part de fonctionnaires d’État, c’est d’abord au gouvernement que ce conflit social nous a opposés : à Madame PÉCRESSE et sa réforme du statut, à Monsieur DARCOS et la « masterisation », au président SARKOZY aussi dont le discours du 22 janvier a été une véritable insulte à l’encontre de la communauté universitaire. Dans ce conflit, les présidents d’universités, notamment par la voix de la CPU et de son bureau, ont tout d’abord soutenu l’ensemble des réformes gouvernementales.

Il est vrai que la modification du statut des enseignants-chercheurs allait dans le sens de l’évolution, engagée par la loi LRU, d’un plus grand contrôle de la gouvernance des universités sur les universitaires. Si chacun s’accorde à trouver nécessaire d’apporter des aménagements au statut de 1984 (prise en compte de nouvelles missions, enseignement à distance, équivalence TP-TD, etc.), ceux-ci ne justifient pas la mise en place d’une modulation qui apparaît comme un nouveau moyen de pression des présidents sur les universitaires, à plus forte raison si cette modulation devient, comme il est à craindre, un outil de régulation des postes.

Cependant, sur le dossier de la masterisation, la CPU n’a pas tardé a nous rejoindre et à demander un report d’un an de cette réforme, le temps au moins de mettre en place de manière satisfaisante les nouvelles maquettes requises.

Six mois après, le bilan de notre lutte semble bien maigre puisque les nouveaux statuts ont été publiés le 25 avril 2009 au Journal officiel et que les projets de décrets liés à la masterisation sont passés en comité technique paritaire ministériel la semaine dernière. C’est sans compter sur le fait que maintenant, les présidents d’universités, les directeurs des IUFM, et ceux des Écoles normales supérieures, ont enfin rejoint la position que nous défendions depuis le début, et se sont ouvertement élevés contre le procédé du gouvernement qui consiste à négocier d’un côté (commission MAROIS-FILÂTRE) et à légiférer indépendamment de l’autre. La lettre que Monsieur Lionel COLLET, président de la CPU, a envoyée au ministre Darcos à ce sujet est tout à fait éloquente.

Et l’université de Rennes 1 dans cette histoire ?

Rien de notable, hélas. Une tentative d’anticipation de la réforme des statuts a été envisagée (décharges) en conseil scientifique, mais aussitôt repoussée. La masterisation a été stoppée par l’absence de maquettes remontées et, aussi, parce que les étudiants ont bloqué le Cévu—nous aimons à penser que celui-ci n’aurait pas voté la remontée de maquettes absentes, mais nul ne sait ce qu’il se serait passé si le Cévu s’était tenu. Au cours du conflit, les informations venant de la présidence concernant les diverses évolutions des décrets étaient fort rares, et arrivaient bien après celles qui transitaient par les canaux syndicaux ou par ceux, plus informels, que les universitaires ont créés pour accompagner leur lutte.

Et si la réforme des statuts a été accompagnée par un blog, il ne s’y est pas dit grand chose, peut-être parce que les universitaires ont, à juste titre, refusé d’utiliser pour débattre un outil « modéré », c’est-à-dire totalement contrôlé par l’administration. Des mathématiciens y ont malgré tout posé quelques questions, mais elles sont restées sans réponse... Par exemple, plus d’un mois après la promulgation du décret, d’importantes divergences demeurent quant à l’interprétation exacte à donner au « temps de travail de référence » et au payement des heures d’enseignement effectuées au delà de celui-ci. Interrogé sur ce point, sur le blog et par courriel, le président de l’Université de Rennes 1 ne nous a donné aucune réponse.

Plus récemment, au moment même où la CPU publiait une note insistant sur la nécessité d’un report de toute la réforme, le Cévu a même décidé d’accompagner la réforme de masterisation en mettant en place des mesures transitoires en Sciences de la matière et en Sciences de la vie. Ce faisant, l’université de Rennes 1 se plaçait en pionnière d’un singulier projet qui met en danger la cohérence du paysage universitaire français que la CPU semble vouloir maintenir.

Concernant les autres préparations aux concours d’enseignement, nous trouvons que la présentation du site web de l’université de Rennes 1 est malhonnête puisqu’elle suppose que la réforme de masterisation aura lieu. En outre, les aménagements transitoires posent de nombreux problèmes, le moindre d’entre eux étant l’attribution automatique de crédits de master aux étudiants inscrits à la préparation au concours dans un IUFM.

Sur ce dossier, nous demandons au président Cathelineau de prendre une mesure forte : rejoindre les positions de ses collègues de la CPU et demander publiquement le report complet de cette réforme de masterisation puis décider qu’à l’université de Rennes 1, la préparation aux concours d’enseignement de l’année 2010 sera organisée à l’identique.

Avec nos collègues, nous avons pris une large part dans le conflit qui a secoué l’Université. Des cours ont été reportés, les sessions d’examens décalées et c’est bien par souci de l’avenir de nos étudiants qu’ils ont finalement eu lieu, de sorte que l’année universitaire peut se terminer « normalement » même si, toutes les notes ne sont pas encore parvenues à l’administration. Nous persistons à penser qu’il est nécessaire d’agir contre ces réformes et nous continuons à
les dénoncer. Nous demandons en particulier à nos collègues élus des conseils de l’université de Rennes 1 de tout mettre en oeuvre pour limiter les effets néfastes du nouveau statut. Nous vous prions de croire, chers collègues, que la qualité de nos formations, la réussite de nos étudiants et la reconnaissance des diplômes que nous décernons reste notre souci constant.

Bien cordialement,

Les mathématiciens du collectif Maths-Rennes 1

5 commentaires:

  1. Pour info, lire aussi :
    http://www.rennes.maville.com/actu/actudet_-Fin-d-une-annee-agitee-dans-les-universites-rennaises-_dep-959906_actu.Htm

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  2. et aussi :
    http://www.rennes.maville.com/actu/actudet_-A-Rennes-1-la-greve-des-notes-prend-fin-_loc-958527_actu.Htm

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  3. On sait ce que ce genre d'étude démontre....rien du tout. C'est fait à partie par des chercheurs enseignants-chercheurs.

    D'autant plus, l'étude est faite sur les "salariés" et rien n'indique que la fonction publique soit réellement prise en compte. Car c'est hélas le publique qui fait grève en france, et très peu le privé (ou alors des boites comme la SNCF mais dont l'état d'esprit est resté celui du publique)

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  4. tout à fait, faut pas nous prendre pour des cons aussi !!

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